Comment parler de démocratie pour toucher le plus de monde ?

Pour entraîner un changement démocratique de la société, nous croyons important d’apprendre à parler de ce sujet vital en commençant par écouter.

Adapter son discours

La première chose à retenir, c’est qu’il n’y a pas d’argument magique qui fonctionne pour tout le monde. Il y a autant de façons d’évoquer ce sujet que de gens sur cette planète, donc il faut à tout prix adapter son discours. Si l’on parle d’une loi sur la transparence bancaire à un habitant préoccupé par les hausses de charge de sa copropriété, ça risque de ne pas faire écho chez lui. Il faut laisser l’autre raconter son vécu, ses préoccupations, et accepter que le sujet de la démocratie est plurielle. Pour cela, une seule solution : l’écoute. Si nous parlons plus que l’autre, c’est mauvais signe.

C’est important d’identifier ce qui préoccupe la personne. Certains ne se sentent pas concernés par la démocratie, mais finiront par l’être si nous leur parlons des crèches qui ferment ou d’un projet immobilier ou des hôpitaux qui déprogramment des opérations en temps de canicule, car ils n’ont pas les climatisations nécessaires.

Parler des sujets du quotidien

Nous associons souvent la démocratie à une échelle nationale, voire internationale, à des mécanismes de pouvoirs exécutifs et législatifs complexes, incompréhensibles pour le grand public. Or, la démocratie percute des choses basiques et essentielles de nos vies. Quand nous nous mobilisons en faveur de la démocratie, nous nous référons à des choses simples : comment circuler en ville, se loger, accéder à des bâtiments et des espaces communs – en bref, comment bien vivre.

Il faudrait en parler en ces termes pour rappeler aux autres que c’est leur mode de vie qui est au cœur de ces discussions. Démocratisons la démocratie. Il faut dépolitiser ces conversations, les sortir des enjeux des partis politiques en les incarnant dans la vraie vie.

Nous pouvons aussi faire appel aux émotions, rappeler des éléments qui font sens aux yeux de son interlocuteur·ice : son attachement à un territoire, à un paysage, à des aliments, à sa santé…

Utiliser des mots simples, accessibles

Si je parle de système de vote, de législation, de règlementation, comme si ça allait de soi, cela crée une distance et une supériorité. Si nous utilisons des mots qui ne sont pas compris, cela exclut les gens de la conversation. Pour ne pas perdre ses interlocuteur·ices avec un jargon technique, il vaut mieux adopter un vocabulaire de la vie de tous les jours. Par exemple, préférer les termes «démocratie directe» ou «choix des habitants».

Faire appel aux valeurs de son interlocuteur·ice

Dans les années 1990, un psychologue social nommé Shalom Schwartz a théorisé l’existence d’une dizaine de valeurs fondamentales chez les humains, d’importance plus ou moins forte en fonction du vécu, de la culture ou des ambitions de chacun·e. On y trouve des valeurs aussi variées que la bienveillance, la conformité, la réussite, l’universalisme ou encore la tradition et la sécurité. La démocratie est une façon de défendre ces valeurs.

Le messager compte autant (voire plus) que le message

Avant de parler de message, il faut parler de l’émetteur. Quand nous recevons une information, nous nous demandons d’abord qui parle, si nous avons confiance en lui, et quelles sont ses intentions. Cela va cadrer la manière dont nous percevons ses propos. Là-dessus, il n’y a pas de secret : il faut rappeler aux gens ce qui vous relie à eux (en tant qu’enfant, sœur, ami·e, camarade, voisin), au-delà d’une casquette de «personne enagagée», pour que la relation de confiance s’installe.

Toujours proposer une solution

La discussion ne mènera nulle part si elle s’arrête au stade du constat. Une personne qui n’a pas de solution à un problème est plus à même de rejeter l’information et de rester dans une forme de déni. Si tu expliques à quelqu’un que qu’un comportement n’est pas démocratique mais qu’il ne peut rien y faire, il risque de se braquer et dire que tu as tort. Mais s’il y a une porte de sortie, c’est-à-dire une alternative à disposition, il a plus de chance d’accepter ce discours.

Il est toujours possible de ménager une porte de sortie, selon la manière dont nous approchons le sujet.
Il faut que les alternatives proposées soient faisables et pas trop coûteuses.

Penser collectif et agir en groupe

Personne n’a pas la possibilité de modifier sa vision et ses croyances d’un claquement de doigt. Il peut être utile de donner des pistes d’action qui dépassent le vote ou l’engagement associatif, car certaines personnes sont contraintes par leurs conditions de vie et se sentir frustrées dès le début de la discussion. Il est essentiel de rappeler qu’il est plus efficace de participer à un changement systémique, à l’échelle de la société, que de modifier un comportement tout seul dans son coin.

Une manière de court-circuiter ce schéma de pensée : le collectif. Il y a souvent cette notion de “Je ne veux pas agir si les autres ne font rien”, donc avancer en groupe fait vraiment bouger les gens.

Ne pas oublier de parler de soi

Certes, il est important de laisser parler l’autre, mais il faut aussi lui montrer que la discussion n’est pas à sens unique. Pour cela, partager ses propres expériences, ses réflexions, et ses questionnements permet d’humaniser le sujet et de créer un lien avec l’autre.

Montrer les avantages d’une démocratie participative

Comme par exemple le fait de pouvoir choisir, à l’échelle de la rue ou du quartier une réalisation votée par des habitants avec un budget spécifique.
Et que cela puisse se renouveler chaque année.
Autre exemple, que des locaux ou bâtiments soit réservées et même gérés par des habitants au sein des Conseils de Quartier.

Ne pas tomber dans un discours moralisateur

Culpabiliser la personne d’en face pour son manque d’implication n’est pas la clé d’une conversation constructive. Il ne faut pas laisser une seule alternative.

Changer son mode de vie, s’engager dans le monde associatif ou politique : tout ceci prend du temps. Le premier pas doit être très facile, pour aider au mouvement.
Ce n’est pas un sprint, mais un marathon.
La discussion doit se faire d’égal·e à égal·e et s’inscrire dans la durée. Le plus important, c’est de maintenir un lien pour qu’il y ait des conversations répétées, planter des graines pour que la personne se rappelle, à un moment donné, de ce que vous lui avez dit.

Et toujours remercier et célébrer les petits pas.